Rappelons que le bilan tombait en 2020 : aucun des 20 objectifs de l’accord d’Aïchi décidé en 2010 n’est atteint à l’échelle mondiale… mais nous avons progressé. Ce constat est révélateur de la faible importance que nous accordons à la sauvegarde de la Biodiversité et c’est déjà une information. La question n’est-elle pas de considérer que des objectifs ne sont pas là pour être atteints, mais pour progresser ? Nous devrions avec le nouvel accord, avoir désormais un Monde où la conscience de l’humanité va entrer dans l’âge adulte en regard de ses responsabilités vis à vis de la Biodiversité.
Décembre 2022 : « L’accord est adopté » déclare Huang Runqiu, le président chinois de la convention mondiale de Montréal sur la Biodiversité. Lundi 19 décembre 2022 au matin, les 196 parties de la Convention (l’union européenne comptant pour une seule partie), ont adopté au terme d’une nuit de haute diplomatie un « pacte de paix avec la Nature ». Il s’agit d’enrayer et inverser l’effondrement du vivant d’ici à 2030. Fort de 23 objectifs, l’accord de (Kumning) Montréal est d’ores et déjà regardé comme un accord historique pour la Planète, la Vie et l’Humanité alors qu’il n’a pas 24 h. C’est dire l’espoir de survie qui s’y trouve en germe et toute l’importance qui est placée dans cette espérance de réussite. Parmi les projets phares on parle de la protection de 30 % des terres et des mers d’ici 2030. Vous avez bien lu les chiffres et chacun a visiblement moins bien vu la date qui est affichée : c’est dans 8 huit ans les gens ! Chaque pays ne sera pas obligé de remplir cet objectif pour son territoire, c’est toute la Planète qui doit y contribuer. On veut parmi les autres objectifs diminuer les produits phytosanitaires de moitié, restaurer au moins 30 % des espaces marins et terrestres dégradés (le chiffre est le même, mais l’objectif différent), diminuer de moitié le taux d’introduction d’espèces envahissantes, cesser de mener des activités conduisant à l’extinction des espèces, impliquer les secteurs de l’agriculture, la sylviculture et la pisciculture vers un développement durable.
Des chiffres et des objectifs qui sont probablement trop ambitieux, tout comme ceux de l’accord d’Aïchi, pour être atteints. Il faut dire que la Biodiversité souffre de tous bords et que les progrès des dernières décennies restent trop modérés et nous sommes dans des sociétés qui n’ont pas fait l’effort suffisant qui convenait. Près d’un quart des continents abritent ceux qu’on désigne aujourd’hui sous le terme de peuples autochtones et cette surface couvre à elle-seule 80% de la Biodiversité terrestre. Ils sont désormais présentés comme les « gardiens de la Biodiversité ». Des moyens « importants » sont accordés : 20 milliards de dollars par an, soit le double du passé, pour les prochaines années pour atteindre les 30 milliards d’ici 2030 et ils seront attribués aux dits pays en voie de développement. Rappelons que la perte sèche, liée au coût de la dégradation des écosystème, estimée par années est de 3.000 milliards de dollars par an ! En terme simplement économique, il y a ici une bizarrerie dans l’appréciation des chiffres. Les dits « autochtones » sont insatisfaits et certains comme le négociateur du Cameroun parle de fraude ou de coup d’État si on entend celui de l’Ouganda. On est dans un système de pensée qui est mieux vaut çà que rien. Il n’y a aucun mécanisme de contrainte et c’est quelque part un appel à la prise de responsabilité des gouvernements vis à vis de cette cause mondiale fondamentale. Espérons que nos nations atteindront toute la maturité nécessaire pour acquérir cet âge adulte qui va avec la réussite de cette grande entreprise. De la même manière aucune contrainte ne vient s’appliquer aux entreprises et on trouve encore des solutions de compensation de la destruction de l’environnement par un écoverdissement des activités de chacun. Précisons ici que toute destruction devient quelque part illégale car elle n’est pas en phase avec l’Accord de Montréal.
Nous venons de loin, très loin, car encore début décembre personne n’était vraiment en phase. Une quinzaine de jours plus tard, un accord commun est donné : c’est très remarquable. Il y a de toute évidence, ceux qui voudront plus, ceux qui veulent déjà moins… mais l’important n’est-il pas dans la bonne prise de conscience qu’il y a urgence à intervenir ? Le niveau des objectifs démontrent par leur ambition que la situation est très critique et le fait qu’ils aient été globalement acceptés dans cet accord, souligne qu’un sursaut de la communauté internationale vient d’être réalisé.
En définitive, il convient de dire : peu importe que les objectifs soient du domaine de l’utopie, peu importe si les moyens sont insuffisants, peu importe qu’il n’y ait pas de contrainte ajouté, ni de comptes à donner… Les faits sont identifiés, voire compris, les nations semblent en avoir acquis un nouvel esprit qui s’approche du domaine de la conscience… il va alors falloir se débattre pour tendre vers les objectifs posés par l’accord de Kumning-Montréal 2022. Il apparaît certain que le contexte d’urgence identifié, qu’il ne faudra agir de manière très déterminée à n’accepter aucune action négative et forcer le pas pour toutes les actions positives en rapport avec la Biodiversité et ne céder sur aucun point. Il faut remplacer quelques négociations chronophages, en exigeant plutôt des actions réelles et concrètes. Toute action positive sera utile, si petite soit-elle. Pour la Biodiversité, il ne faut plus céder à aucune facilité, la période des compromis doit être oubliée afin de mettre en place la Théorie du changement nécessaire à quelques réussites. Cette Théorie va demander à beaucoup de changer d’attitude et de stratégie de vie et de renoncer aux bénéfices immédiats et souvent bien personnels qu’ils attendent de la Nature. Ceux-ci devront accepter de penser différemment. Je répète : la Nature est l’affaire de tous et non une affaire pour certains. Il s’agit désormais de faire systématiquement et de refaire notre environnement. Il ne faut plus rien défaire. Nous basculons dans l’aire de la préservation et la restauration de la Biodiversité et sa destruction devient une interdiction forte et nécessaire.
Cyrille Deliry – Niort le 20 décembre 2022
Références
- Bellemare T. & Reza Kokabi A. 2022 – La décision de la COP15 : protéger 30% des terres du globe. – Reporterre, 19 décembre 2022. – ONLINE
- Franceinfo 2022 – COP15 biodiversité : plus de 190 Etats approuvent un accord historique qui vise notamment à protéger 30% de la planète d’ici 2030. – AFP, Franceinfo, 19 décembre 2022. – ONLINE