Acipenser sturio Linnaeus, 1758 – Famille des Acipenseridae – (en) European Sturgeon
syn. – Esturgeon de Gironde [2021], Esturgeon
CR 2009 UICN – CR 2011 Europe – CR 2019 France
Le nom francique Sturjo est à l’origine du nom de ce Poisson. Belon le nommait Esturgeon et Rondelet Eƒtourgeon. C’est en vieux français l’Estorjoun [1396]. Il est appelé selon Rondelet (1558), Creac à Bordeaux, Sturium en Provence et dans le Languedoc, Porcellero en Italie. Cet auteur parle en outre d’une espèce « voisine » qu’il nomme Adello du Pau (le Po en Italie) et que je pense être Huso huso. Les noms de Créa ou de Créac sont donnés respectivement pour le Saintonge et le Poitou.
L’adulte devient très grand puisqu’il peut mesurer entre un et deux mètres de longueur. On connaissait des records de 6 mètres, pour des poids de 400 kg.
Autrefois présent sur la zone Atlantique tempérée, en Méditerranée et en Mer Noire. Spillmann (1961) connaît encore l’espèce dans l’Adour, mais il la situe essentiellement dans la Gironde et ses affluents. Elle s’observerait alors encore, mais exceptionnellement dans la Loire ou le Rhône. Elle est désormais très relictuelle à la Gironde et fleuves afférents ainsi que peut-être selon une population très disjointe au niveau du Caucase (Georgie et Mer Noire). Il n’y en a plus nulle part ailleurs dans le Monde en termes de sites de reproduction ! Dans les eaux marines, l’Esturgeon d’Europe semble encore se montrer depuis peut-être le cercle arctique au sud du Golfe de Gascogne, mais comme je viens de le signaler, il ne se reproduit plus régulièrement que dans les bassins afférents à la Gironde au niveau de la basse Garonne et de la basse Dordogne. Il descendait jadis jusqu’au niveau du Maroc et l’essentiel des individus doit de nos jour guère s’éloigner de la Gironde. Il se reproduit dans une zone située à 160-270 km de l’embouchure. Les barrages de Golfesch sur la Garonne et de Bergerac sur la Dordogne limitent sa remonté anadrome. On envisage qu’il existerait un isolat en Georgie qui vivrait en mer Noire et se reproduirait dans le fleuve Rioni.
Autochtone. En France, qui paraît être l’unique pays où elle se reproduit encore, l’espèce a disparu du littoral méditerranéen, des bassins du Rhône et de la Saône, des Gaves du Pau et du Béarn, des fleuves côtiers de Bretagne, des bassins de la Seine, de la Meuse et de la Moselle, ainsi que du bassin de la Loire. Elle n’est plus présente dans le pays qu’au niveau de la Gironde. Il convient de ne pas confondre cette espèce au bord de l’extinction avec les deux autres Esturgeons, alors introduits dans le pays et signalés épisodiquement : Acipenser baerii et Acipenser ruthenus.
Dès la préhistoire et l’Antiquité, l’Esturgeon est pêchée pour sa chair. La restructuration des bassins fluviaux, la pêche excessive notamment pour le caviar a conduit dès le XIXe siècle à un déclin exceptionnel de ce Poisson. Vers le milieu de XIXe siècle, il remontait encore le Rhône et la Saône, ainsi que la rivière du Doubs. Certains doutent de l’espèce exacte qui vivait sur ce bassin. Les dernières mentions semblent se situer dans les années 1930. Au début du XXe siècle l’espèce était sur la plupart des grands fleuves européens tels le Guadalquivir, le Rhin, l’Elbe, la Meuse ou la Moselle. Elle remontait la Seine jusqu’à Auxerre. Sa dernière capture dans ce bassin remonte à 1917. Elle n’est plus dans le bassin de la Loire depuis les années 1940. Dès la préhistoire et l’Antiquité, l’espèce est pêchée pour sa chair. La restructuration des bassins fluviaux, la pêche excessive notamment pour le caviar a conduit dès le XIXe siècle à un déclin exceptionnel de ce Poisson.
En Rhône-Alpes, l’espèce est considérée comme éteinte (RE 2020). Elle a disparu de tous les départements qu’elle visitait (Ain, Rhône, Isère, Drôme, Ardèche et Loire). Jusqu’au début du XIXe siècle, l’espèce remontait le fleuve Rhône et passait sur la Saône et le Doubs en amont. Dès 1850, elle ne remonte déjà plus au-delà de Montélimar. Perrin (2010) cite encore l’espèce sur ce dernier secteur vers 1950. Je pense qu’il a dû disparaître de la Basse Vallée du Rhône dans les années 1970, toutefois on parle de sept individus présents au Léman en 1993-94 et leur origine exacte est douteuse à mon avis. Des analyses génétiques faites sur un riche gisement archéologique à Arles (VI-IIe s. av. JC) , confirme que les Esturgeons du Rhône sont bien de cette espèce (Cons. Gén. 10 (1) : 217-224), cependant Rondelet (1558) distinguait deux sortes d’Esturgeons dans le fleuve et il est permis d’envisager qu’Acipenser naccarii actuellement localisé à l’Adriatique a habité alors le fleuve (Perrin 2010). Un projet de réintroduction a été à l’étude sur le Bassin du Rhône (ENS de Lyon) (Deliry 2017 et compléments), toutefois il semble avoir été abandonné.
Cette espèce amphihaline, vit sur des fonds meubles, en particulier dans les estuaires ; en mer elle vit entre (5) 20 et 50 (60) m de profondeur, surtout près du littoral. C’est un Poisson anadrome fluvial printanier et estival. Les frayères sont dans les parties basses de la Garonne et de la Dordogne . Elles se trouvent dans des zones assez profondes (entre 5 et 10 m) parcourues par un courant rapide. Le substrat est alors constitué de graviers et de blocs. Fonds meubles, en particulier dans les estuaires ; en mer vit entre 20 et 50 m de profondeur.
La maturité sexuelle de ce Poisson est atteinte vers l’âge de 10-12 ans pour les mâles et de 13-16 ans pour les femelles. Les Esturgeons frayent dans les parties basses de la Garonne et de la Dordogne entre avril et juin. La reproduction est encore mal connue. Les femelles semblent polyandres et émettraient jusqu’à 2 millions d’œufs en pleine eau. Les œufs sont alors planctoniques et adhèrent sur le premier support qu’ils rencontrent. Les parents retournent alors rapidement en mer, les mâles se reproduisant chaque années, alors que les femelles doivent attendre plusieurs années avant de recommencer. L’incubation ne dure probablement que quelques jours, mais elle est mal connue in natura. Dès l’hiver les jeunes dévalent vers l’estuaire de la Gironde pour y passer leur première année, ils passent alors en mer. Avant leur maturité ils peuvent réaliser des remontés en eau douce pour se nourrir, notamment en été, mais de manière irrégulière. L’Esturgeon peut vivre une centaine d’années.
Les œufs sont consommés sous forme de caviar, mais désormais pris chez d’autres espèces d’Esturgeon notamment asiatiques.
L’espèce bénéficie d’un suivi et d’un effort de préservation en France depuis le milieu des années 1990.
- Desse-Berset N. 1994 -. Sturgeons of the Rhône during Protohistory in Arles (6th-2nd century BC). In Fish Exploitation in the Past. – Annales du Musée royal de l’Afrique centrale, Tervueren, 274 : 81-90.
- Deliry C. 2017 – Catalogue des Poissons de Rhône-Alpes. – Histoires Naturelles n°3 (Première édition 2009). – PDF
- Keith P. & al. (coord.) 2020 – Les Poissons d’eau douce de France. Deuxième édition. – MNHN, Biotope : 704 pp.
- Rondelet G. 1558 – L’Histoire entière des Poissons. – Bonhome, Lion.
- Spillmann C.J. 1961 – Poissons d’eau douce. – Faune de France, 65.